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Sic Transit Gloria Mundi
26 juin 2014

Divergences et convergences entre les concepts de puissances chez Huntington et ceux d'acteurs pivot chez Brzezinski

Divergences sur le concept et les états/acteurs

Huntington articule son approche autour d'un concept d'alliances régionales circonstancielles entre la puissance mondiale dominante (Etats-Unis) et des puissances régionales secondaires, afin d'équilibrer l'influence voire l'hégémonie des puissances régionales principales. Il définit la puissance américaine dominante sur les plans économiques et militaire, et en tant que modèle de civilisation, mais on ne retrouve pas de références au rôle des institutions internationales.

Ces alliances régionales ne seraient pas coercitives dans le chef des Etats-Unis mais des alliances d'intérêts mutuels (la puissance mondiale ayant besoin d'alliés régionaux et les alliés régionaux jouant de la puissance de leur partenaire pour réduire la menace du champion régional), et elles seraient d'autant plus faciles qu'existeraient une communauté ou une proximité de culture avec la puissance régionale secondaire.

Huntington ne restreint pas son approche des alliances au contrôle de l'Eurasie mais se préoccupe de plusieurs points du globe; il s'intéresse donc aussi aux espaces moyen-oriental et latino-américain et considère plusieurs lieux de conflits et menaces pour les Etats-Unis.

Huntington considère une menace principale pour les Etats-Unis, c'est le rapprochement des sphères chinoise et musulmane; en termes géographiques on se retrouve donc dans un arc reliant extrême orient et proche orient à travers l'Asie Centrale et l'Océan Indien. L'Europe et une large part de la Russie, étant une zone périphérique.

Huntington revient fréquemment sur ces concept de civilisation (et de communauté d'intérêt, de proximité culturelle) comme principal moteur des conflits et des alliances. Huntington a une lecture idéologique et culturelle des rapports de force et des relations internationales. Huntington structure sa réflexion sur trois catégories d'état: la puissance mondiale (Etats-Unis), les puissances régionales dominantes (Chine, Union Européenne, Russie, Inde, Brésil) et les puissances régionales secondaires (Argentine, Japon, Grande-Bretagne, Ukraine)

Brzezinski articule son approche sur le contrôle d'un seul et unique pivot géopolitique qu'est l'Eurasie, en définissant trois fronts principaux (Ouest, Sud, Est) à la périphérie de ce vaste ensemble; le contrôle de ces fronts permettant à la puissance dominante globale, les Etats-Unis, de contrôler la zone pivot.

Ce contrôle doit s'opérer à travers une vaste politique régionale orientée vers les états des zones Ouest, Sud et Est. Brzezinski utilise deux concepts qui divergent des notions de puissance de Huntington:
on doit ainsi distinguer qui sont les acteurs géostratégique (puissances qui exercent une influence au-delà de leurs frontières) des pivots géopolitiques (états importants par leur position géographique ou leur exposition à l'influence d'autres états, ce sont les lignes de faille d'une crise potentielle).
La politique américaine sera donc d'influencer sur ses acteurs géostratégiques pour conserver sa prééminence et de veiller sur la stabilité des pivots géopolitiques.

Brzezinski définit la puissance américaine sur un plan plus large; aspects économique et militaire, technologique (rapports de force), culture et modèle politique (identité), et enfin en termes de mises en place et de contrôle des institutions internationales (bien qu'il reste attaché au concept d'Etats-Nations, il référe à l'importance des institutions multipolaires). Il considère une force émergente qui puisse menacer les Etats-Unis, c'est le rapprochement des sphères Russe et Chinoise; en terme géographique on se retrouve dans la recréation d'un quasi Empire Mongol mais doté du contrôle de 2/3 des ressources mondiales et d'un arsenal nucléaire redoutable.

Brzezinski lui aussi parle de culture mais au sens politique, et insiste sur la primauté des Etats-Nations comme acteurs de la politique internationale, il détaille beaucoup plus les rôles clefs des états suivant leur position dans l'espace. Brzezinski a une lecture beaucoup plus liée à la géographie et à l'histoire des rapports de force et des relations internationales. En plus de la puissance dominante américaine, Brzezinski distingue cinq acteurs géostratégiques (France, Allemagne, Russie, Chine, Inde) et cinq pivots géopolitiques (Ukraine, Corée, Turquie, Iran, Azerbaïdjan). Il écarte également deux puissances importantes car elles n'entrent pas dans con concept acteur/pivot, le Japon et la Grande-Bretagne qui elles ont mises en avant comme alliés importants par Huntington.


Convergences sur le concept et les Etats/Acteurs

Huntington et Brzezinski mettent en avant tous deux l'existence d'une seule puissance globale, les Etats-Unis, et se préoccupent tous deux de préserver la suprématie américaine, et donc d'empêcher l'émergence d'un rival planétaire. Concernant les convergences sur les Etats/Acteurs, on retrouve malgré les différences de concepts et de zone géographique quelques noms en commun: Etats-Unis, Russie, Chine, Inde, la France à travers l'Union Européenne. Très logiquement puisqu'on y retrouve des puissances économiques, militaires et nucléaires majeurs.

Huntington et Brzezinski recourent au concept de délégation du maintien de l'ordre et de la résolution de conflit aux alliés/acteurs dans leur zone d'influence. Ils plaident la meilleure allocation possible des ressources (1/une puissance régionale sera mieux à même d'intervenir que la puissance dominante, 2/même les Etats-Unis ont des ressources limitées, 3/les Etats-Unis sont une démocratie, qui doit limiter son intervention dans les pays étrangers aux cas extrêmes). C'est une approche multipolaire qui force les autres états à prendre leur responsabilité sans se reposer systématiquement sur l'intervention/la présence américaine.

Un autre point de convergence peut être trouvé dans certains conseils de Hungtington et Brzezinski en matière de politique étrangère (même si certains moyens divergent, les objectifs convergent), et tous deux principaux un catalogue d'idées/actions à mener notamment en ce qui concerne la clarification des relations avec l'Europe, les conflits potentiels au Moyen-Orient (même si Brzezinski est centrée sur l'Eurasie il s'intéresse autant qu'Hungtington à l'intégrisme islamique), et la politique à mener envers la Chine (quelle sphère d'influence doit être acceptée, quels liens maintenir avec le Japon et la Corée).

En conclusion

Huntington est un penseur post guerre froide, qui a une pensée orientée vers un monde multipolaire, où la menace pour les Etats-Unis serait centrée sur l'espace moyen oriental et oriental. C'est plus à mon sens un idéologue qu'un géo-politologue, vu le relatif peu de développement des aspects liés à l'espace et au temps (au sens historique) dans ses écrits. Il a le mérite de poser des questions sensibles et pertinentes sur la question des valeurs, la gestion des relations entre monde occidental et non-occidental, et la nécessite d'une politique étrangère adaptée aux équilibres de chaque région du globe.

Brzezinski semble plus ancré dans une vision bipolaire héritée de la guerre froide, influencée par les penseurs de la puissance océanique comme Mahan et Mackinder, avec pour enjeu de sa réflexion géopolitique le contrôle de l'Eurasie; on pense à l'exemple historique de la brève alliance sino-soviétique des années cinquante à la fin des années soixante, et au risque d'un nouveau rapprochement de ces deux puissances (avec l'Iran ou le Pakistan en soutien) pour les Etats-Unis. Il a une vision moins globale (puisque qui contrôle l'Eurasie contrôle le monde) mais plus élaborée (analyse du rôle pivot et stratégique des états de la région, concept de zones périphériques) en terme géopolitique, et plus centrée sur le contrôle de zones géographiques et des ressources que sur les conflits idéologiques.

 

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